Tout savoir sur le don d’organe

Alice Geneviève le 3 février 2022
Prélèvement et don d'organes

Vous trouverez ici, les réponses aux questions comment donner ses organes, quels sont les procédures etc… J’ai interviewé un coordinatrice en prélèvement et don d’organe et de tissu. Merci à Gersende pour son temps, j’espère que cet article rendra parfaitement compte de notre échange.
Puis en deuxième partie vous trouverez mon expérience. Comment j’ai vécu le décès et les dons d’organes de mon papa.

Quel est le principe d’un don d’organe ?

Greffer un receveur, que le don soit vital ou non, de manière anonyme ou gratuite.

Quel est votre métier ?

Coordinatrice en prélèvements d’organes et de tissus. 


Il n’y a pas de formations diplômantes pour arriver à ce poste. La plupart des personnes exerçant ce métier sont dans un premier temps infirmier(es) en urgence, réanimation ou au samu. Ce sont des personnes sont habituées au décès violent, à gérer les urgences et les familles. Elles sont nommées par l’établissement dans lequel elles travaillent et par l’agence de biomédecine.
Leurs rôles : Coordonner les équipes, organiser les examens, analyser les résultats, saisir les dossiers et s’assurer du suivi des dossiers. Elles s’occupent du défunt, de la famille avant, pendant et après le décès.

Quand il n’y a pas de don, le coordinateur s’occupe de prélever des tissus. Comme par exemple la cornée et les vaisseaux sur les défunts dans les services de l’hôpital. Ils agissent aussi dans d’autres hôpitaux en tant que formateur . Et font aussi de la sensibilisation aux dons dans les collèges et lycées. 

Comment faire un don ?

On peut donner de son vivant si on ne trouve pas de donneur. On peut donner un rein ou un demi foie (ça commence à se développer en France). Dans ce cas c’est souvent un don fait par un proche. 

Parfois mais c’est assez rare, les dons du vivant sont anonyme. C’est lorsque deux familles sont prêtes à donner à leur proche mais qu’il n’y a pas de compatibilité. On appelle cela le don croisé. La famille 1 donne au receveur de la famille 2 et inversement.

Il est interdit de donner en tant que mineur. 

Les procédures sont longues car il a plusieurs étapes à franchir. Il faut pouvoir prouver qu’il y a des liens d’affection entre le donneur et receveur depuis au moins deux ans. Pour éviter tout problème de vente d’organes illégale en France. Le don de son vivant prend entre 12 et 18 mois. Pendant ce temps il y a des entretiens psychologiques, médicaux. Puis le don doit être validé par le procureur de la République. Il peut rendre son verdict sans se justifier pour protéger le donneur de représailles. 

Il y a environ 300 dons par an en France.

Quelle mort pour donner ses organes ?

A Dreux, les prélèvement se font lors d’une mort encéphalique clinique. La plupart des dons se font après cette mort l). La première étape pour vérifier est de s’assurer quand sans respirateur, la personne ne respire plus.
Puis soit un électro-encéphalogramme, 2 examens à 4h d’intervalle pour s’assurer qu’il n’y a plus d’activité.
Soit 6 à 8h après l’arrêt du respirateur(et le redémarrage), un angioscanner. On impulse de l’oxygène dans le corps et on vérifie qu’il n’y ait pas de circulation.

Dans d’autres établissements, il peut y avoir deux autres morts possibles :
“Cœur arrêté” et “Maastricht 3”

Quels sont les organes que l’on peut donner ?

On peut donner quasiment tous les organes, en fonction de l’âge et des résultats d’examens..


Il y a aussi la possibilité de donner des :

Doit-on s’enregistrer en tant que donneur ?

Depuis 1976 la loi Cavaillet a proclamé le consentement présumé. Nous sommes donc tous donneurs sauf si nous affirmons le contraire.
En 2017, une loi a précisé comment manifester son refus pour tous organes ou pour certains en particulier. On peut faire part de son refus à partir de 13 ans, c’est révocable quand on veut. Une attestation signée sur l’honneur par les proches peut faire office de refus, si le défunt l’a manifesté à l’oral. Par contre l’inverse n’est pas vrai. Si le défunt est inscrit au registre de refus, les proches ne peuvent pas changer les choses.

Comment sont choisis les receveurs ?

Les dons sont admis selon une liste gérée par l’agence de biomédecine. Un bilan du receveur est fait très régulièrement. Selon la grille des critères le receveur remonte ou non dans la liste d’attente. La liste bouge tous les jours. L’équipe en charge du premier receveur est appelée. Dans ce cas l’équipe a 20 min pour vérifier la compatibilité. Si ce n’est pas possible, une autre équipe est appelée et ainsi de suite. Au meilleur receveur, le don est fait. Les dons sont rares donc hors de question de laisser  donner un organe à quelqu’un de moyennement compatible.
Une fois les organes sont attribués et que les équipes sont arrivées sur place, le donneur entre au bloc. Aucun organe non attribué n’est prélevé.

Pourquoi rester dans l’anonymat lors d’un don d’organe ?

Pour protéger le receveur et protéger les familles du donneur et du receveur. Le défunt porte un numéro cristal dans les autres hôpitaux. Il n’y a que dans l’hôpital où il y est arrivé que l’on connaît son nom et son dossier.
Il faut savoir que c’est difficile pour la famille du donneur, mais que ça l’est aussi pour le receveur lui-même.

Est-ce que le prélèvement et le don d’organes se font de la même façon dans les autres pays ?

La coordinatrice ne connaît pas la réponse pour tous les pays. Mais les Anglo Saxons fonctionnent de la même façon que nous Français. En Espagne il y a beaucoup plus de dons car c’est très connu là-bas et vraiment mis en avant. Eux ils prélèvent tous les organes et cherchent ensuite les receveurs.

Combien de dons sont faits chaque année ?

Tout dépend de la taille de l’hôpital et des services qu’il y a. Un hôpital ayant un service de neurologie aura plus de dons car les décès sont compatibles aux dons. A Dreux il y a environ 10 à 15 donneurs par an. Les personnes dans le coma sont très surveillées. A Nantes par exemple, il y a entre 100 et 120 donneurs par an.
Enfin, les dons ont été ralenti ces deux dernières années. Car avec la covid les lits en réanimation ont été très pris. 


Mon expérience du déroulé du don d’organes

Je vais vous parler de mon expérience de manière la plus honnête possible. C’est un partage très personnel que je vous livre, avec mes ressentis, mes mots, qui peut-être vous sembleront maladroits. Merci de respecter mon histoire. Aussi par soucis d’anonymat, je ne répondrait à aucune question concernant la date du décès et le type d’organes donnés.

J’ai découvert le monde qui se cachait derrière le don d’organes au cours d’une épreuve très douloureuse et brutale. 

Lorsque mon père s’est suicidé, il a survécu jusqu’à l’arrivée à l’hôpital. Quand il a été pris en charge nous savions déjà (sans certitude clinique) qu’il était en mort cérébrale.

Le lendemain nous nous sommes rendus sur place avec ma mère et mon frère, en état de choc, complément incrédules face au malheur qui ne faisait que commencer. 

Après une attente dans les couloirs qui me parut interminable, le corps léthargique comme en pilotage automatique, j’avais l’impression qu’on jouait avec le thermostat. Un coup froid à grelotter et puis la seconde d’après très chaud avec des étourdissements. J’avais la nausée depuis que j’ai appris ou plutôt compris ce qu’il se passait. Chaque ouverture de portes battantes pour entrer en salle de réanimation faisait renaître de l’espoir, chaque fermeture était très violente et ne faisait qu’accentuer l’angoisse et l’attente.

Puis une équipe est arrivée. La coordinatrice des prélèvements et des dons, des médecins et des infirmiers  nous ont conduit dans une salle qui nous était réservée pour l’après-midi et le lendemain également. C’est là que j’ai compris ce qu’était vraiment l’accompagnement. Tant de soins, de prévenance et de douceur, n’auguraient rien de bon. Pourtant je savais qu’il était en mort cérébrale mais c’est là que le corps humain est incroyable même quand on sait ce qu’il se passe, j’ai senti un espoir immense, j’attendais un miracle ou que quelqu’un me dise que tout irait bien. On nous a présenté le diagnostic, les examens passés, le déroulé et on nous a préparé au choc visuel qui nous attendait. 

Nous avons pris notre temps ensemble et séparément.
Aujourd’hui je suis vraiment heureuse d’avoir eu ce temps. C’est un privilège de pouvoir “voir” la personne, toucher sa peau encore chaude car il était maintenu en vie grâce au respirateur. Je n’imagine pas le chagrin des familles qui n’ont pas ce temps pour dire au revoir. Et c’était très difficile car on voyait sa cage thoracique bouger, on pouvait sentir son cœur battre, toujours cet espoir qui revient et cette petite phrase en boucle “c’est pas terminé, il va s’en sortir”.

Puis on nous a expliqué ce qu’était le don d’organes, savoir si on était d’accord, ce qu’il en pensait. Tout est allé si vite, les sentiments sont tellement confus, on est plus vraiment nous même, je me rappelle ma toute première impression, j’avais la sensation qu’on volait mon père. Ce sentiment violent s’est vite dissipé parce que je savais que mon père voulait donner ses organes (sa maman a elle même donné son corps à la science), et puis nous avons beaucoup parlé avec l’équipe et avec ma mère et mon frère nous étions vraiment tous d’accord et sur la même longueur d’onde. Je n’ose imaginer les familles en conflit à ce moment là comment cela doit être dur.
J’avais pas mal de peur concernant le prélèvement de “peau”, j’avais peur qu’il ait mal et qu’il soit défiguré sans peau mais là encore l’équipe est là pour expliquer les détails. Ce n’est pas la peau qui est prélevée mais l’épiderme, la coordinatrice est présente pendant l’opération et veille à ce que le corps du donneur soit respecté. 

Le lendemain nous sommes revenus avec d’autres membres de la famille, une épreuve de plus de voir les gens qu’on aime souffrir. En plus quand nous sommes arrivés, il passait des examens, et bim, encore un immense espoir qui renaît, mais si vous avez lu les réponses aux questions, vous connaissez les nombreux examens pour déclarer la mort encéphalique et pour tester les organes. Mais nous avons eu cette chance, avant la covid, de pouvoir être ensemble. 

Nous y sommes retournés une dernière fois tous les 3 en fin de journée pour l’ultime adieu avant l’opération. Je me rappelle essayer de mémoriser chaque parcelle de son corps de peur d’oublier, ses yeux, ses grains de beauté, ses mains, la couleur de sa peau. Partir de l’hôpital a été un crève-cœur.

Nous savions que l’opération avait lieu dans la nuit, nous avons appelé l’hôpital pour savoir si “ça y est c’était fini”, nous avions besoin de savoir si son cœur battait encore, une étape de plus dans cette épouvantable semaine. L’opération n’était pas terminée, démarre une nouvelle fois l’attente interminable.

Puis vient l’appel dans la matinée, c’est terminé…

Nous pleurions la perte de mon père pendant que d’autres familles pleuraient de joie et de soulagement. Nous nous raccrochons en permanence à cette idée comme pour apaiser notre peine et pour donner un semblant de sens à ce qu’il venait d’arriver.

Aujourd’hui, quand nous le voulons nous pouvons faire une demande pour savoir si les receveurs sont en bonne santé et si la greffe a bien fonctionné.


Retrouvez ici mon dernière article.